j’écris pour gratter la surface

j’écris pour gratter la surface 
des choses et des gens indicibles
dans la sphère de l’invisible
au-delà des mots et des traces

mes mots ne sont pas des mots
ils sont le désir fou de rencontre 
entre âme et beauté
volonté imparable de peindre l’hybride 
de sentiments et d’émotions 
que rien ne distingue. 

je ne sais pas crier
tout juste murmurer 
ma sincérité
mon désir
immanents

je cherche à créer 
les rêveries d’un tableau abstrait
le foisonnement d’un paysage de recoins
la larme limpide d’un prélude en do majeur
les cieux aux nuages éclatés

je veux décrire 
les yeux transparents qui transpercent
la main douce poussant un soupir
la mort amère amer aimant
les rages de l’être à tous les âges
les folies de la vie torticolis

j’écris pour me sauver 
de mes inutiles tourments
je veux stopper leur cycle un moment 
les voici suspendus en l’air par mes mots 
qui les empêchent de retomber
d’un œil je les vois prêts à se ruer sur moi
alors je continue d’écrire en apnée
plongeant toujours plus loin
dans un monde sans fin

quand j’écris
j’ai peur de mes mots microscopiques
mais je continue
tant pis
porté par un espoir infime
écharde de bois transocéanique
petit caillou chassé par le vent
cerf-volant détaché de son fil
qui tournoie en montant vers les nuages

mes mots forment une myriade
de filandres fécondes
plus fortes que la matrice des heures
une kyrielle de notes 
frappant les cœurs des bouts du monde
où je ne suis jamais allé.

j’écris pour lancer 
des passerelles entre les êtres
lignes de vie d’un bateau en détresse
sur la mer agitée de la vie.
je ne veux pas d’échelles 
ni de solutions
je veux des rêves 
et de la vibration

mon texte va m’abandonner
voile s’évanouissant à l’horizon
gravant en moi un sillage profond
hors de ma vue
il vivra à jamais.

j’écrirai encore et encore
jusqu’à ma mort 
et ce jour-là mes mots d’amour et d’or
je les serrerai contre moi
je les emporterai avec moi
qui sait à qui ils pourront profiter

les nuages sauront-ils les aimer